François-Régis de Guenyveau et son premier roman, Un Dissident

François-Régis de Guenyveau n’a pas que le nom qui en jette. Il a les yeux malicieux, les cheveux rebelles et le parler fluide et riche, mêlant les registres et les figures de style. Et plus on l’écoute, moins on est surprises qu’il fasse partie de ces petits nouveaux de la rentrée littéraire !

Quand il nous rejoint au bar, il commande un demi de 1664, peu tenté par le jus green et healthy pour lequel on a opté suite à une crise avec la balance le jour-même.

Son premier roman, Un Dissident, sorti aux éditions Albin Michel, nous a captivées et on vous en parle ici.

Mais qui se cache derrière ce livre ?

François-Régis de Guenyveau a 28 ans, avec un parcours qu’il qualifie de commercial : classes préparatoires et école de commerce. Ce qui ne l’empêche pas de faire ce qui le passionne depuis tout petit : écrire, créer, peu importe la forme, des récits d’enfance à une comédie musicale à l’ESSEC Business School [Ndlr : Bad Roma, jouée aux Folies Bergère].

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« J’ai toujours nourri une passion pour la littérature. En fait j’ai toujours nourri une passion pour l’expression en général, qu’elle soit écrite ou orale. »

En 2016, sa femme Mélanie accepte un poste de psychologue au Vietnam, et François-Régis y voit l’occasion de se lancer dans l’écriture d’un roman, un vrai.

Pourrais-tu nous en faire le synopsis ?

« Un Dissident c’est l’histoire de Christian Sitel, un jeune prodige scientifique. Christian n’a qu’un seul rêve dans la vie : prendre part à la construction du monde moderne. Il naît dans les années 80 en Provence, mais assez rapidement il va être l’acteur du monde qui vient, monde où tout s’accélère et où l’homme se sent dépassé par ses propres inventions. Christian va se retrouver dans une entreprise très moderne nichée au milieu d’une forêt avec pour seule mission de façonner l’homme de demain grâce à la génétique et aux nouvelles technologies. C’est à partir de là que l’intrigue se noue véritablement. Parce que c’est à partir de là qu’il va être ébranlé dans ses certitudes. »

Parlons du livre justement, avais-tu déjà l’histoire en tête depuis longtemps ?

« Je savais que si j’écrivais un premier roman, ce serait sur le transhumanisme, le mouvement de l’homme augmenté par la science. C’est un sujet qui me passionne. »

© Editions Albin Michel

Le déclic, c’était le Vietnam ? C’était le moment ou jamais ?

« Il y a eu un contexte. C’était le moment de le faire. »

Être à l’étranger offre une liberté qu’on n’a pas chez soi et un œil neuf sur soi et le monde. Avec un coût de la vie très abordable, le Vietnam combinait tous les atouts.

« J’en ai parlé longtemps avec ma femme. Assez rapidement elle m’a dit ‘Il faut que tu fonces, c’est le moment ou jamais !‘ »

Alors François-Régis de Guenyveau se lance. Pendant six mois, il se donne corps et âme dans son projet, à raison de 10-11h de travail par jour.

C’était dur ?

« J’ai adoré ça du début à la fin ! »

La page blanche, la panne de motivation, François-Régis ne connaît pas.

Donc c’est facile d’écrire un roman ?

« Ce qui est dur, c’est de se lancer, de faire le choix d’y aller. »

Et après tout a coulé de source ? Comment as-tu fait ? As-tu une méthode à recommander ?

« Il n’y a aucune méthode. Il faut que tu crées ta propre méthode. Il se trouve que j’ai besoin de beaucoup de structure au début, de rigueur. J’ai un procédé comme en dissertation, avec des parties, des sous-parties et des transitions. Et dans chaque partie une idée principale. Sans prépa j’aurais été incapable d’écrire un roman. Ce n’est pas nécessaire pour écrire bien sûr, mais moi ça m’a beaucoup servi. »

Son plan, François-Régis met trois bonnes semaines à le construire. En parallèle, il étoffe ses personnages, créant leur vie dans les moindres détails. Il fait des recherches, se documente, lit des articles, des livres et des essais.

Comme il le dit, l’écriture d’un roman est très différente de celle d’une comédie musicale. Dans la comédie musicale, la scène est au cœur du processus. Il faut écrire en composant avec les personnages et ceux qui vont les incarner, penser au rendu esthétique, au rythme, caricaturer et multiplier les jeux de mots. Le rythme du roman est plus lent. François-Régis de Guenyveau le voit comme un long voyage auquel il faut inviter le lecteur.

Et ta femme l’a bien vécu ?

« Je crois ! Elle voyait que j’étais trop heureux, que je faisais ce que j’aimais. »

Mélanie porte plusieurs casquettes. Celle de soutien moral. « C’est très rassurant d’avoir un regard bienveillant. » Celle de 1er regard extérieur. « Bon… C’est ma femme, il est forcément un peu biaisé ! » Celle d’experte en psychologie, assurant la cohérence des personnages. Celle de garant d’équilibre, organisant des weekends en Asie loin de l’exigence d’écrire. Mais surtout celle de partenaire de vie, l’encourageant dans la réalisation de son rêve.

« J’ai écrit sans savoir si j’allais être édité ou pas. C’est un peu cliché, mais j’ai écrit parce que j’en ressentais le besoin. »

Avec tout ça, on lui attribue la médaille de la plus grande lectrice d’Un Dissident !

« Elle a dû lire 30 versions. Elle connaît le livre mieux que moi ! »

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Pourquoi ce titre, Un Dissident ? Pour le sens ? Ou on t’a dit « Fais court, parce que ton nom est quand même vachement long » ?

« En fait, j’ai proposé ce titre-là et ils l’ont gardé. »

Le moins qu’on puisse dire c’est que François-Régis de Guenyveau n’a pas choisi son titre au hasard. Il en aime le son et la signification.

« J’aime l’idée de dissidence. Je crois que chaque époque produit sa propre dissidence, c’est-à-dire ses résistances, ses volontés d’indépendance vis-à-vis de la marche que prennent nos sociétés. Notre époque est marquée par l’accélération des technologies, la connexion virtuelle des individus et l’avènement de l’homme « augmenté ». Je voulais parler d’un homme qui douterait de ce monde-là, de son bien-fondé, de la direction que nous prenons sans possibilité de retour. »

Même l’article indéfini a ses raisons, laissant les réponses ouvertes, invitant le lecteur à réfléchir aux siennes. Christian Sitel fait un choix radical, mais nous ne sommes pas tous appelés à faire le même.

Tu vas croire qu’on fait une fixette sur ton nom… Mais as-tu envisagé de le réduire ?

« L’homme augmenté mais le nom réduit ?! (rires) Je me la suis souvent posée. J’avais peur d’être étiqueté par le nom à particule. »

Mais François-Régis de Guenyveau n’a pas de pseudonyme convenable en tête. Il veut être lui.

« Je ne crache pas sur ce qui me fait. »

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De retour du Vietnam fin 2016, François-Régis de Guenyveau peaufine son roman jusqu’à janvier 2017 avant de l’envoyer à quelques gros éditeurs. Mais pris d’une illumination soudaine, il modifie son texte pendant deux semaines. Il envoie alors son manuscrit aux éditions Albin Michel… qui le rappellent deux jours après !

« En fait j’ai eu beaucoup de chance et je ne l’explique pas. On me dit que c’est le talent, mais c’est faux : plein de gens ont du talent, ça ne suffit pas ! […] Je suis arrivé au bon moment, au bon endroit, avec la bonne personne. C’est la magie du hasard, de la rencontre fortuite. »

A partir de là, tout s’enchaîne très vite. Le manuscrit ne subit pas de gros changements avant d’être publié à la rentrée littéraire en septembre 2017. Les deux premières semaines sont chargées. Les interviews, les salons et les appels des amis se succèdent.

Te sens-tu célèbre ?

« Non pas du tout ! (rires) C’est un début, un premier roman. Il faut faire son trou. J’ai encore du boulot ! »

Quelles sont les réactions à ton roman ? As-tu la sensation que ce que tu as voulu transmettre a bien été reçu ?

« J’ai l’impression oui ! C’est d’ailleurs le plus beau compliment, le plus beau fruit pour un auteur : d’avoir l’impression que ses idées ont été comprises. »

François-Régis de Guenyveau voulait que son livre soit une invitation à la réflexion, à prendre du recul sur notre époque. Le pari semble gagné !

« Il y a un truc qui revient souvent et qui me touche beaucoup et me fait vraiment plaisir, c’est qu’ils trouvent que c’est un roman profondément humain, qui nous pousse à devenir des hommes à l’heure où l’on se rêve en surhommes. »

Fort de ces témoignages, l’auteur poursuit son petit tour de France des salons du livre. Il a les yeux qui pétillent en nous annonçant avoir reçu un prix en Bourgogne, décerné par Luc Ferry qui a lui-même écrit un essai sur le transhumanisme. La boucle est bouclée.

« Après je ne sais pas. Soit ça se tasse, soit ça a du succès. »

Est-ce que tu verrais une adaptation de ton roman ? Une comédie musicale on ne propose pas, ça ne convient pas… mais un film ?

« Je pense que ça pourrait faire un bon film ! Je suis un fan de cinéma et quand j’écris, j’ai des images très claires. Il y a des scènes qui rendraient très bien au cinéma. […] Mais ça, ce n’est pas moi qui décide ! »

© Editions Albin Michel

Et la suite ?

« Ecrire ce roman a changé ma vie. Parce que c’est une expérience incroyable et je n’ai qu’une envie, c’est de recommencer. »

François-Régis a déjà une idée en tête pour le prochain. Les obstacles sont avant tout d’ordre pratique. Aujourd’hui à mi-temps en conseil en stratégie le temps de la promotion du livre, il rêve de pouvoir maintenir cet arrangement pour avoir le temps d’écrire.

« Ça restera un roman contemporain, attaché vraiment à notre époque, sur des questions de société qui arrivent et qui nous chamboulent un peu. C’est ça qui me plaît. »

Nous on croise les doigts pour que KEA&Partners accepte le mi-temps et que François-Régis de Guenyveau devienne un classique de la littérature, abhorré par les élèves qui se tromperont toujours sur son nom ! Que sa carrière dure plus longtemps que les nyamas-nyamas à l’apéro ! Ceux qui sont arrivés avec la bière ont presque disparu. François-Régis nous demande à nouveau si on en veut, avant de les terminer. Non non, on se souvient encore de notre état de choc sur la balance. Surtout qu’il y aura des frites au dîner. Mais tout ça nous éloigne de la question fatale…

En quoi es-tu PÉNIBLES ?

« Je suis vraiment têtu ! C’est-à-dire que là, quand j’ai décidé d’écrire, j’avais beaucoup de mal à partir en weekend ou à faire autre chose. Il fallait que je termine, coûte que coûte ! Et je m’étais fixé une discipline de moine. Je me levais à telle heure le matin, c’était à la minute près. Je terminais à telle heure le soir c’était à la minute près. Je déjeunais à telle heure. Et fallait pas qu’on m’emmerde ! »

On y verrait presque un air de ressemblance avec un certain Christian Sitel !

 

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Marion

One Comment

  1. Superbe article les Pénibles! Je connais mon prochain livre de chevet! Je tiens à souligner que l’article est très bien écrit comme d’habitude mais également que la photo du François-Régis de Guenyveau est parfaite.
    Au plaisir de vous lire!

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