Le sourcil, histoire d’un poil sur orbite

monosourcil sesame street

© Sesame Street/CTW

« Si les yeux sont le miroir de l’âme, les sourcils sont des poils qui pensent. »
Franz Bartelt, dans Nulle part mais en Irlande

L’histoire du sourcil, cet amas de poils à la forme plus ou moins définie qui recouvre l’arcade sourcilière, remonte à 7 millions d’années avant J.C et l’apparition de l’espèce des hominidés.

D’aussi longtemps que l’on se souvienne, hommes et femmes ont toujours arboré des sourcils triomphants.

Si l’Histoire ne dit pas ce que les homo sapiens en pensaient, on sait bien que le sourcil contemporain a été modelé par les modes successives. Tantôt brouillon, tantôt fin comme l’humour d’un gentleman, tantôt mono tantôt micro, il n’empêche que le sourcil volubile a toujours été au cœur des attentions.

Et ceux qui ont osé afficher un sourcil à contre-courant n’ont cessé de faire parler d’eux. Emmanuel Chain aurait-il gagné cette notoriété spontanée si ses prestations dans Capital n’avaient pas été appuyées par ce mono-sourcil provocateur ? Un mono-sourcil porté fièrement, alors même que l’époque valorisait le sourcil fin de Christina Aguilera ou des Spice Girls ?

Christina Aguilera sourcils annees 90

© Dalle APRF

Bref. Le sourcil a une histoire, faite de luttes âpres, de victoires comme de défaites, de tempêtes et d’accalmies. Voici l’histoire non exhaustive d’un poil sur orbite (oculaire).

Le sourcil opprimé à travers les temps

En Egypte ancienne, le sourcil, en tant que partie intégrante du regard, était considéré comme un moyen de s’adresser à Horus, dieu de la guerre, de la vengeance et de la protection. Le maquillage extrêmement codifié des Égyptiennes impliquait de recouvrir le sourcil de khôl vert pour le redessiner. Pas de place pour les poils rebelles et naturels, en somme.

Mais le pire dans cette culture de l’oppression sourcilière à des fins superstitieuses, c’est certainement la chose suivante : le destin du sourcil était lié à celui… des CHATS. Oui, si un chat mourrait dans la famille, les rites du deuil voulaient que l’on se rase entièrement les sourcils jusqu’à la momification du félin.

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Faisons un saut dans l’espace et le temps pour arriver au Moyen-Âge en Europe (on vit des choses folles sur PÉNIBLES, hein ?). Là, rien à voir avec la mort d’un matou, et pourtant ! Les us et coutumes et les critères de beauté de l’époque voulaient que l’on rase TOUT poil superflu sur le haut de la tête : cils, sourcils, base des cheveux, TOUT. La raison ? Le sacro-saint front. Oui, à l’époque, avoir un crâne de béluga était valorisé par la société. La beauté allait proportionnellement avec la taille du front. Le sourcil, casseur de fronts par excellence, n’avait donc plus sa place sur les visages.

Mais l’on ne saurait se permettre de critiquer les coutumes moyenâgeuses du haut de nos années 2010. Penchons-nous plutôt sur les massacres anti-sourcils successifs qui ont eu lieu au XXème siècle, en même temps que la naissance et la croissance fulgurante du marché des cosmétiques.

Années 10, 20, 30… Edith Piaf, Clara Bow, Marlène Dietrich… le sourcil n’est plus que trait de crayon insignifiant. Il se la joue triste et délicat, artiste déchu. Le sourcil est opprimé. Et comme la mode est cyclique, c’est ce même sourcil qui, après quelques menues victoires dans les années 40, 50, 60 (merci Grace Kelly, merci Audrey Hepburn…), revient au galop sur les orbites de Geri Halliwell et autres Pamela Anderson.

Quand le sourcil reprend ses poils de la bête

Heureusement que le poil est tenace. Si la repousse a pu s’avérer difficile après des années d’épilation, le sourcil a su renaître de ses cendres. On ne saurait dire si c’est grâce à la rébellion discrète d’Emmanuel Chain, mais quoi qu’il en soit, le sourcil est de retour.

On l’a vu sur la tête de l’étrange mannequin Cara Delevingne en 2013, 10 ans après la retraite de M. Chain de Capital. Depuis, le sourcil s’affiche fièrement partout.

Mais l’histoire du sourcil libre et à l’état sauvage remonte à bien plus longtemps. Plongeons un moment en Grèce antique. Là, au cœur du berceau de la démocratie, les femmes ne sont que des sous-choses, au même titre que les enfants et les esclaves. Le maquillage et les artifices leur sont proscrits. Tristesse pour elles peut-être, gloire pour les sourcils certainement ! Car en Grèce Antique, le naturel prévaut et le sourcil se porte touffu, broussailleux, na-tu-rel. Bien loin du sourcil guindé de l’Egypte, de l’autre côté de la Méditerranée, la Grèce antique apprécie le mono-sourcil.

A Rome aussi le mono-sourcil a connu ses lettres de noblesse. Signe d’intelligence, le mono-sourcil y était tellement apprécié que les Romains fabriquaient de faux sourcils bien touffus en poils de chèvre pour se les coller à l’aide de résine d’arbre sur l’arcade. Eh oui, tout le monde n’avait pas la chance d’être assez poilu pour satisfaire ces exigeants critères de beauté.

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Au XXème siècle, le mono-sourcil a été popularisé par l’artiste mexicaine Frida Kahlo. A l’image de sa force créatrice, ses sourcils francs ont longtemps exprimé la fermeté de son caractère et l’ont inscrite à la postérité. Si peu de gens sont capables d’assumer le mono-sourcil, on affiche facilement la belle gueule atypique de Frida Kahlo sur des sacoches, des sweats et des tee-shirts.

On a beau continuer de retirer les poils indélicats qui peuplent l’espace entre nos deux yeux, la libération du sourcil a bel et bien eu lieu. Nous ne sommes qu’en 2016, mais quelque chose nous dit que le sourcil n’a pas fini de faire parler de lui.

Après une histoire si intense, oserez-vous épiler un poil de trop sans un moindre pincement au cœur ? Nous, on vous conseille d’afficher fièrement vos sourcils les plus fous !

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Manuela

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