Aujourd’hui, le monde du travail n’est pas des plus accueillants. Alors on est vite ravi quand on trouve enfin un poste qui nous correspond sur le papier. Une fois arrivé sur les lieux de son nouveau poste, on rencontre les collègues… Et ces derniers peuvent aussi bien devenir vos meilleurs potes qu’être le début de votre cauchemar.
–
Un petit état des lieux du harcèlement au travail
Pour commencer cette enquête sur le harcèlement moral, j’ai voulu essayer de cerner ce problème par des chiffres. D’après une étude de la Fondation européenne pour l’Amélioration des conditions de vie et de travail, dans l’Union Européenne, 3 millions de travailleurs sont victimes de harcèlement sexuel et 12 millions sont victimes d’intimidation et de violence psychologique. Ainsi, le harcèlement moral est le problème qui touche le plus grand nombre de travailleurs européens.
Passons maintenant au cas français. L’institut Ipsos a réalisé une étude pour le magazine Rebondir selon laquelle 30% des salariés français sont victimes de harcèlement moral au travail. Pour la majeure partie d’entre eux, ce harcèlement se fait de manière continue et répétée. En 2000, IPSOS17 a réalisé une étude sur un échantillon de 471 salariés représentatifs. Elle révèle qu’un salarié sur trois se sent harcelé moralement et que 37% des personnes interrogées ont déjà vu un collègue se faire harceler. 12% des interrogés se font insulter, 22% sont humiliés et 16% se retrouvent « placardisés ».
Rien qu’à la lecture de ces chiffres, on a froid dans le dos et plus du tout envie de travailler en entreprise…
Si on retire de ces chiffres ceux du harcèlement sexuel, dont on entend généralement le plus parler (attention je ne minimise pas ce problème mais ce n’est pas le cœur du sujet ici), il reste le harcèlement moral dont on parle beaucoup moins et, du coup, que l’on dénonce moins. Le harcèlement moral au travail peut prendre plusieurs formes, de la critique injustifiée à la pression disciplinaire en passant par des tâches dévalorisantes.
–
Le cas du pervers narcissique : véritable Dr Jekyll et Mr Hyde
Le harcèlement moral peut prendre plusieurs formes mais j’ai eu envie de m’intéresser de plus près au cas des pervers narcissiques qui, pour moi, sont tout simplement des personnes à éviter (oui je sais c’est plus facile à dire qu’à faire)… Les pervers narcissiques sont des personnalités que l’on peut côtoyer dans le monde professionnel mais également dans la sphère personnelle.
Le profil de ces personnes est le suivant, selon Psychologie Magazine : « Séduisants, sympathiques, parfois réservés, ils plaisent par leur côté charmeur et flatteur ». Mais très vite, à leur contact, un malaise s’installe. Leurs victimes entrent dans une spirale infernale de culpabilisation et de dévalorisation. Véritables dangers pour notre intégrité physique et mentale, les manipulateurs sont des personnalités narcissiques qui représentent, selon Isabelle Nazare-Aga, auteure de Les Manipulateurs sont parmi nous (éditions de l’Homme, 1997), 2 à 3% de la population. Ces pervers narcissiques sont classés dans la catégorie des personnalités toxiques…
–
« M. Pervers profitait clairement du fait que j’étais jeune et nouvel arrivant pour me demander tout et n’importe quoi, le tout sans aucun respect ni considération. »
–
Dans le cadre de cet article, j’ai pu parler à Paul* de son expérience auprès d’un pervers narcissique, qui n’était autre que son supérieur. A l’écoute de son récit, on se rend vite compte que ce problème ne doit pas être pris à la légère.
Voici son histoire : Paul arrive au début du mois de novembre dans une nouvelle entreprise, plein de motivation et d’idéaux dans la prise son nouveau poste, mais cela ne dure pas longtemps :
« Huit jours après mon arrivée, à 8h30, je reçois un appel sur mon téléphone cellulaire de M. Pervers* : pendant une quarantaine de minutes, ce dernier me reproche de ne rien faire, de ne pas travailler, de ne pas m’investir… Tous ces propos sont bien entendu tenus dans un ton très agressif. »
Ce premier accroc ne présage rien de bon mais en tant que « nouveau », Paul n’a d’autre choix que d’essayer de comprendre et régler la situation. « Le soir même, je lui expliquais mon travail quotidien depuis mes débuts et à mon grand étonnement, le ton avait changé radicalement : M. Pervers me parlait avec des pincettes, s’excusait presque d’être allé trop loin et m’avoua qu’il ne voyait pas ce que je faisais quotidiennement, ce qui lui avait donné l’impression que je ne faisais rien ».
Eh oui, les pervers narcissiques sont de véritables Dr Jekyll et Mr Hyde. Ils changent brutalement de personnalité, l’humeur avenante et sympathique un jour, une méchanceté pure et dure le lendemain. Le danger, c’est que cela fait naître à chaque fois un espoir que la situation change et cela pousse à penser que le problème vient de nous !
Sachez également que les pervers choisissent bien leur cible. Généralement, ce sont les nouveaux arrivants dans l’entreprise, voire même des nouveaux arrivants dans le monde du travail. Paul nous explique : « M. Pervers profitait clairement du fait que j’étais jeune et nouvel arrivant pour me demander tout et n’importe quoi, le tout sans aucun respect ni considération.«
© Giphy
–
Que faire quand on se fait harceler ?
Vous pouvez en parler directement à votre supérieur si le harcèlement ne vient pas de lui, ou bien à vos collègues ou aux Ressources Humaines. Bien sûr, il y a un recours légal à ces agissements : vous pouvez dénoncer ce comportement aux syndicats ou directement à l’Inspection du Travail.
Si vous envisagez de le faire, alors préparez le terrain et conservez les mails ou messages vocaux qui prouvent ce harcèlement. Vous pouvez également noter les dates et heures de ces agissements et demander à vos collègues (ou d’anciens employés qui ont démissionné à cause de cette personne) de témoigner en votre faveur !
Suivant le temps d’exposition à ce harcèlement, un suivi psychologique peut être envisagé pour la victime.
Paul, lui, n’était pas le seul à se faire harceler par M. Pervers, qui « piquait de grosses colères en réunion avec d’autres employés de la boîte« , explique-t-il. « Certaines personnes qui y travaillaient depuis plus de dix ans ont dû se résoudre à démissionner sans indemnités à cause de lui.«
Pour m’être entretenue avec plusieurs personnes victimes d’un pervers narcissique, il faut croire qu’il n’y a qu’une solution pour sortir de ce calvaire : la démission… Après, si vous n’êtes pas la seule victime de ces agissements, vous pouvez essayer de vous regrouper et de dénoncer ce pervers narcissique aux yeux de la loi. Cela dit, les procédures sont souvent longues et toutes les personnes concernées ne peuvent pas démissionner.
–
Alors si vous êtes victime de harcèlement moral au travail, sachez que votre cas n’est pas isolé et qu’il existe des solutions. Et dans ce cas, on peut le dire : l’herbe sera sûrement plus verte ailleurs, comme ça l’est pour Paul aujourd’hui.
–
*Par mesure de confidentialité, les prénoms et noms ont été modifiés.
